Propositions pour l’enseignement supérieur
2022-12-28, updated 2024-03-05 next - previous
À quelques années de mon départ en retraite, je fais ici quelques propositions de réforme pour l’enseignement supérieur en philosophie. Ce texte n’engage que moi.
1. Trois principes
- Toute institution publique doit avoir une fonction sociale. (Sinon, il faut supposer l’existence d’une volonté générale de nourrir par l’impôt ce qui n’a aucune utilité pour les citoyens.)
- La première fonction des départements de philosophie en France doit normalement être celle de préparer les étudiants en philosophie aux concours d’enseignement que sont le C.A.P.E.S. et l’agrégation de philosophie. (Sinon, il faut d’une part négliger le fait que la majeure partie des meilleurs étudiants dans les départements de philosophie font le projet de passer ces concours d’enseignement et d’autre part décider d’une fonction sociale plus évidente pour les départements de philosophie que celle de préparer les étudiants à ces concours d’enseignement.)
- Le souci de l’enseignement - c’est-à-dire le souci de l’intérêt des étudiants - est avant tout ce qui doit guider le recrutement d’un enseignant-chercheur. (Sinon, il faut contester le bien-fondé des deux principes précédents.)
Notons que la contestation des principes qui précèdent conduit à leur exact renversement. C’est alors la recherche qui commande l’Université et les départements deviennent des entités subalternes à qui revient la tâche secondaire de l’enseignement. Faute d’affirmer clairement que l’Université a pour fonction première celle de l’enseignement, un certain nombre d’enseignants-chercheurs rêvent d’être de “purs chercheurs” et considèrent que l’enseignement freine leur activité de recherche. Je ne jugerai pas de l’importance de ladite activité. Il me semble plus important et plus urgent de proposer des remèdes pour limiter la progression de ce cancer qui ronge l’enseignement supérieur.
2. Dix propositions
Les dix propositions qui suivent ont toutes un lien avec les principes qui précèdent.
- Alors que parfois l’obtention de l’agrégation de philosophie est actuellement une exigence implicite dans les recrutements des enseignants-chercheurs, celle-ci devrait être officiellement exigée pour tout candidat de nationalité française.
- Afin de préserver une certaine homogénéité des formations en philosophie sur le territoire, une diversité des spécialités en philosophie correspondant à l’exigence de préparation des concours devrait être obligatoirement respectée dès lors qu’il s’agit de publier un poste pour un recrutement dans un département de philosophie.
- Aucun laboratoire de recherche, aucune UMR du CNRS, aucun membre du CNRS ne devrait pouvoir intervenir à quelque titre que ce soit dans la procédure de recrutement d’un enseignant-chercheur.
- Tous les membres d’un comité de sélection pour le recrutement d’un enseignant-chercheur en philosophie devraient sans exception être des enseignants-chercheurs en philosophie 1.
- Afin d’éviter ce que l’on appelle le “localisme”, il serait nécessaire d’interdire qu’un candidat fraîchement titulaire d’un doctorat puisse se présenter sur un poste d’enseignant-chercheur dans l’université où il vient de passer son doctorat.
- Afin de favoriser la promotion et la mobilité géographique des enseignants-chercheurs, aucun Maître de conférences ne devrait pouvoir être recruté sur un poste de Professeur dans l’établissement où il exerce comme Maître de conférences.
- Aucun candidat normalien ne devrait pouvoir être recruté sur un poste d’enseignant-chercheur sans pouvoir justifier d’un certain nombre d’années d’enseignement en Lycée 2.
- Les postes CNRS de chercheur en philosophie ne sont socialement pas justifiables et devraient donc être définitivement supprimés 3.
- La dépense publique occasionnée par l’existence de laboratoires en philosophie devrait faire l’occasion d’un audit 4.
- De fortes incitations à résider dans la ville universitaire où l’on enseigne devraient être envisagées 5.
Footnotes:
Pour des raisons de parité entre hommes et femmes, on trouve actuellement dans certains comités de sélection des enseignants-chercheurs dont la discipline n’est pas la philosophie. Il est inquiétant que personne n’ait osé s’élever publiquement contre cette aberration motivée par un principe féministe qui s’applique ici de manière aveugle, en faisant passer la parité des sexes avant la compétence dans une discipline universitaire.
J’écris “un certain nombre d’années”, car je ne veux pas juger de ce nombre.
L’économie réalisée par la suppression de ces postes devrait par exemple pouvoir être reversée au bénéfice de congés offerts aux enseignants-chercheurs pour la rédaction et la publication d’un livre.
Toutes les œuvres dans l’histoire de la philosophie sont des œuvres individuelles. C’est l’originalité des recherches individuelles en philosophie que les Universités devraient favoriser, mettre en avant et récompenser, non les projets collectifs.
Le non-respect de l’obligation de résidence ne favorise ni la vie des départements ni évidemment la proximité avec les étudiants.